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Le Lundi, 5 février 2000

Arcand 8 mars 2000


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Le Lundi, 5 février 2000

«J'ai rendez-vous avec mon fils»

Depuis quelques années, Bruno Pelletier vit à un rythme d’enfer. Tout récemment, il modifiait certains aspects de sa vie, non seulement pour tenir le coup mais pour continuer d’offrir le meilleur de lui-même. Par contre, il ralentira la cadence au début du printemps, moment où son fils ira le visiter en Europe.

Le jour de notre rencontre, soit le 21 Janvier dernier, Bruno Pelletier était à mettre la touche finale à son tout nouveau spectacle, D’autres rives, ainsi qu’au tournage du clip Loin de chez moi. Le lendemain, il s’envolait vers la France pour une représentation spéciale de la version anglaise de Notre-Dame de Paris et une représentation intégrale à l’occasion du Midem (Marché international du disque et de l’édition musicale) à Cannes… Et une semaine plus tard, il devait reprendre la tournée de son nouveau spectacle à Joliette !

 

Sa nouvelle alimentation

Bruno Pelletier, comment faites-vous pour maintenir un tel rythme de travail ? J’ai complètement changé mon régime de vie. Depuis décembre, mon alimentation est plutôt végétarienne, très saine, et je ne bois plus aucun alcool, moi qui suit pourtant un amateur de bons vins. Mon intention n’est pas de maigrir mais de faire une sorte de cure de santé. Depuis six mois, je suis constamment en tournée, soit pour Miserere, soit pour Notre-Dame de Paris. Or, on mange toujours à l’hôtel ou à la cantine, ce qui à la longue n’est pas bon pour la santé. Alors aujourd’hui, je mange des carottes et du céleri en masse ! (Rires)
Suivez-vous un régime en particulier ? Non. Je me connais suffisamment bien pour savoir de quoi mon corps à besoin. Maintenant, au lieu d’acheter un sac de chips ou un beigne, je saute plutôt sur des fruits, des légumes, des barres tendres, etc. Et vu que je travail beaucoup, j’ai tout le temps faim.
Ressentez-vous une différence depuis que vous vous alimentez mieux ? Oh mon Dieu, oui ! Je perds du poids, mais ça ne m’empêche pas de me sentir très bien. Je consomme énormément de vitamine C et j’ai plein d’énergie. Je savais que les trois premiers mois de l’an 2000 seraient particulièrement remplis, alors j’ai voulu mettre toutes les chances de mon côté. Je dors cinq ou six heures par nuit à cause de mon horaire, mais également parce que je tiens à m’occuper de mon fils. Il est loin d’être un fardeau, mais il faut bien que quelqu’un le prépare pour l’école. Je tiens à assumer mon rôle de père de mon mieux. Le soir, je travail très tard ; en fait j’essaie d’en faire le plus possible au cours d’une journée. Je maintiendrai ce rythme jusqu’à la fin du mois de mars.

Un temps d’arrêt avec son fils

Que se passera-t-il en avril ? Je vais faire une pause de trois semaines et j’irai à Paris avec mon fils. Je n’aurai aucune obligation, si ce n’est de continuer à apprendre mon rôle de Gringoire en anglais. Je compte me promener un peu partout avec mon walkman sur les oreilles. Puis j’irai à Londres et je reviendrai au Québec pour donner des spectacles. Ce sera difficile, mais j’atteindrai tôt ou tard ma vitesse de croisière. Surtout que depuis septembre, je n’arrête pas de faire des allers-retours. Mais ce sera différent à ce moment là.
Votre fils est-il excité à l’idée de vous accompagner à Paris ? Il n’y pense pas vraiment. De mon côté, ce qui me plaît encore plus, c’est qu’il m’accompagnera à Londres pendant trois mois. Il terminera son année scolaire là-bas avec l’aide d’un professeur, qui sera également du voyage. Je trouve extraordinaire de pouvoir faire vivre ce genre d’expérience à mon garçon. Il est déjà allé trois fois en France. Même s’il est difficile pour un enfant de voir son horaire chamboulé, de sortir de sa routine et d’avoir un papa constamment en tournée, il reste qu’il aura vécu des expériences fantastiques. J’espère qu’elles lui seront utiles plus tard.
Ces nombreuses stimulations compensent le stress qu’il ressentira peut-être. Je ne sais pas s’il est conscient de tout ce qu’il vit. Nous, les adultes, rationalisons tout, mais lui, il vit là-dedans depuis qu’il est au monde. Il se dit probablement : «Je m’en vais à Londres avec mon père. Bon, c’est correct.» (Silence) Mais je crois tout de même qu’il commence à mieux comprendre lorsque ses amis lui disent, par exemple : «Wow ! Tu as vu la tour Eiffel ?» Je pense qu’il sait d’avantage que ce qu’il a la chance de vivre est précieux.

De nouveau horizons

À peine deux mois après la fin de la tournée Miserere, Bruno Pelletier entreprend une autre aventure, celle de son nouveau spectacle, D’autres rives, qui commencera le vendredi 28 janvier à Joliette. Il s’arrêtera notamment au Capitole de Québec du 22 au 25 mars prochain et au Monument national de Montréal du 29 mars au 4 avril.
Mais que nous réserve cette fois-ci celui qui a remporté six Félix en 1999 dont celui de l’interprète masculin de l’année ? «Pour moi, D’autres rives est synonyme de voyages, de nouveau horizons, explique le chanteur. Alors je vais dire aux gens que je les emmène en voyage aux quatre coins du monde.» Dans ce spectacles se mélangerons plusieurs styles : folk, rock, jazz, rythmes latins et africains. Dix musiciens seront sur scène, dont quatre violonistes.

NOTRE-DAME DE PARIS EN ANGLAIS
«C’est très difficile»
La version intégrale anglaise de Notre-Dame de Paris prendra d’assaut le Dominion Theater de Londres dès le 18 mai prochain. Nous parlons de version «intégrale», par opposition à la version courte de la comédie musicale qui est à l’affiche à Las Vegas depuis la semaine dernière. À Londres, Bruno reprendra son rôle de Gringoire, poète de la rue qui devra s’exprimer dans un anglais plutôt littéraire. Comment le chanteur fera-t-il pour relever ce nouveau défi ? «C’est très difficile, car les accents toniques ne sont pas aux mêmes endroits qu’en français et la phonétique est compliquée, avoue-t-il. Les sons "th", "t" et "s" se suivent à l’intérieur d’une même phrase d’une façon hallucinante.» Et aussitôt le beau Brummel se met à chanter la première phrase de la version anglaise du Temps des cathédrales, The Age of Cathedrals, en insistant sur les difficultés : «"
THiS iS a Tale THaT TakeS iTS plaCe!" (Rires) Mais mon plus grand défi sera Val d’amour, d’autant plus que cette chanson est plus longue en anglais. Pour l’instant, je répète seul, mais l’Américain qui incarne le même rôle que moi à Las Vegas m’a fait parvenir un enregistrement de la version anglaise afin de m’aider à bien prononcer.»

 


transcriptions


Arcand 8 mars 2000

Partie I

Partie II

Partie I

Arcand : Bonsoir, bienvenue à notre rendez-vous du mercredi. Ce soir notre invité Bruno Pelletier.

[Début du générique]
- Extrait «Le temps des Cathédrales»
Narrateur : Avec «Le temps des Cathédrales» est venu l'heure de gloire de Bruno Pelletier. Notre-Dame de Paris a consacré son talent d'acteur déjà reconnu dans «La légende de Jimmy» et «Starmania».
- extrait «Starmania»
Narrateur : Parrallèlement sa carrière de chanteur solo honnorée au Québec par 6 Félix a véritablement décollée en France.
- Extrait d'entrevue à Paris
Bruno : Je suis venu ici faire Notre-Dame de Paris pour en même temps c't'un peu une clé pour essayer de faire le pont avec les Français.
- Extrait «The age of the Cathedrals»
Narrateur : Il termine sa tournée québécoise et se prépare à jouer dans la version anglaise de Notre-Dame de Paris qui sera présentée à Londre au mois de mai.
[Fin du générique]

Arcand : Bruno Pelletier bonsoir.
Bruno Pelletier : Bonsoir.
A : Vous vous préparez pour Londre, répétitions à Paris. Comment ça va se passer dabord compte tenu du litige entre les parents de Notre-Dame de Paris, Luc PLamondon, Richard Cocciante. Comment ça se passe, les deux se chicanent un peu.
BP : Le litige ou comment ça se prépare?
A : Comment vous vous préparez dans ce contexte de litige.
BP : Ben écoutes, premièrement la plupart des artistes, pas la plupart, tous les artistes qui sont les artisant de ce spéctacle là, chorégraphes, danseurs et principalement les chanteurs qui collaborent le plus avec Luc et Richard ne se sont pas interposés là dedans, ont jamais essayé de prendre la part ni d'un ni de l'autre. J'pense que c'est un peu, c'est vraiment comme une relation de couple, quand ça split ya 2 version pis faut toujours essayer de rester à l'extérieur de t'ça. Moi, pour ma part, j'ai pas, j'ai même pas cherché à savoir ce qui s'était passé exactement. J'pense que c'est, Notre-Dame de Paris est un phénomène qui est devenu autant social que musical et puis, ya beaucoup d'enjeux, ya beaucoup de paramètres parfois qu'on connait pas et même nous, les principaux protagonistes, des fois entre ces deux là qu'est-ce qui a pu tout arriver depuis le départ.
A : Mais est-ce que vous l'avez senti venir... un conflit?
BP : Qui arriverait un froid ou quelque chose?
A : Oui
BP : Ben écoutes, oui pis non, on entend toujours des choses en coulisses et tout mais moi, jamais jamais jamais, avec Richard ou avec Luc, j'ai discuté, j'ai pas envie de discuter de ces choses là. J'pense que même quand un, si yen a un des deux qui aurait envie d'en parler ben tu peux pas le bailloner, tu vas laisser aller mais j'pense que tous les artistes, on a été très délicats là-dessus. On a fait attention, surtout avec les médias j'pense que si on embarque là-dedans, on est pas sorti de l'auberge. J'pense que c'est leur bebelles pis y faut qui s'débrouillent avec ça, qui règlent leurs conflits entre eux.
A : Mais est-ce que ça rend les répétitions plus difficiles? On dit que chacun est dans son coin. ça ne vous dérange pas?
BP : Non, nous autres, écoutes, on est pas à la garderie non plus. Tout le monde est ben pro. J'pense que tout le monde a besoin de se concentrer sur son boulot. Déjà comme là Notre-Dame en anglais ya beaucoup de pression autour de t'ça et que ce soit ... J'pense, que Luc et Richard soient dans la salle ou pas, nous on a un travail avec le metteur en scène, sur scène et je pense que eux, de toute façon, on cete délicatesse là aussi de faire attention, pour pas nous transmettre leurs problèmes. Yont des choses à régler en coulisses comme je disais.
A : Est-ce qu'il l'ont réglé vous pensez?
BP : Je sais pas.
A : Vous savez pas.
BP : Non c'est pas de mes oignons.
A : Vous avez parlé d'un phénomène social. Notre-Dame de Paris c'est majeur. Quand on a des personnalités fortes, parce que ya des gens forts autour de la table même chez les acteurs, metteur en scène et tout ça, comment est-ce qu'on fait pour éviter des conflits, des conflits d'égo, des conflits «J'ai plus de place» «J'me sens mieux» «Toi t'occupes trop de terrain». Comment on joue avec ça?
BP : C'est très particulier parce que Notre-Dame, moi j'ai jamais vu ça avant. j'ai pas énormément d'expérience de travail d'équipe à ce point mais j'en ai un peu quand même. J'ai jamais vu autant de fortes personnalités arriver quand même tout le monde à trouver son cadre de travail et de faire attention les uns aux autres, à ce qui se passe pour pas non plus, pour qu'on sente pareil que ya un travail d'équipe qui se fait pour une oeuvre qui s'appelle Notre-Dame de Paris et qu'ensuite chacun, en solo, dans ce qu'il a à faire... d'avoir une certaine délicatesse pour les autres. J'va donner un exemple. Hélène Ségara en ce moment a un très très gros succès avec son album qu'elle vient de sortir là-bas et puis on est d'autres artistes sur le terrain en même temps qu'elle qui travaillons très fort, entre autre les Québécois, à proposer le nôtre et on n'a pas le même succès et ça n'a jamais entré en jeu, entre nous, dans nos relations. Elle a cette délicatesse là de ne pas arriver à côté de nous autres pis nous lancer des chiffres de vente pis dire je fais ci pis je fais ça. Quand on est ensemble on se retrouve sur cette base de ya 2 ans. Quand on a commencé on était tous inconnus en France et on a monté une oeuvre qui nous a, les Français disent, nous a «starisés», mais c'est évident que le chemin pour chacun sera pas le même après en solo et puis faut faire attention à ça. Il existe cette délicatesse là et ça c'est extraordinaire.
A : Patrick Fiori a dit qu'il avait trouvé ça difficile parfois l'approche québécoise. Un peu plus raide, un peu plus directe. Qu'avec le metteur en scène il avait trouvé des moments assez difficiles aussi.
BP : Ben écoutes, moi là ça fait 5 productions que je fais, 5 metteurs en scène différents. Les metteurs en scènes yont un pression énorme sur les épaules, ils travaillent souvent avec du monde en arrière de leur dos et ça moi, qui fait un petit peu de... moi quand je fais, à l'intérieur de mes projets, la réalisation de mes albums ou de la mise en scène pour mes spectacles, une des conditions synéquanum c'est qu'il n'y ait personne en arrière de moi pour me dire quoi faire. Après vous viendrez pis on en discuttera... mais moi j'ai vu comment c'est monté Notre-Dame, les gens étaient toujours en arrière du metteur en scène, ça met une pression énorme. Des caméras qui viennent sans arrêt... c'est pas facile de travailler dans ces conditions là et effectivement... Je ne veux pas nescéssairement prendre trop la part du metteur en scène, j'pense que ya un peu de les deux. Ya que le metteur en scène a énormément de pression et ya sa personnalité qui peut être pas nescéssairement évidente.
A : ça a brassé un peu...
BP : Je parle pas rien que de Notre-Dame là, je parle des 5 productions que j'ai fait. Chaque fois j'ai vu les metteurs en scène piquer des crises, pêter les plombs comme on dit, pis les artistes on en souffre. Et puis j'pense que ça fait parti du procéssus. Y faut souffrir pour accoucher d'un projet comme ça.
A : Parlons de la version américaine. Ya eu Las Végas, ya eu des critiques qui ont été faites, pas très gentilles d'ailleurs, à l'endroit de la version américaine. Qu,est-ce que vous en pensez vous de la version qui a été présentée aux États-Unis?
BP : Je l'ai pas vue! Je l'ai pas vue fake je l'sais pas. Moi ce que je sais c'est que.. j'ai eu des comebacks mais y sont tout le temps différents! C'est que je reçois des comeback de certaines personnes qui disent «c'est formidable tout va bien», yen a d'autres qui me disent «y sont en train de se planter». Ben moi tout ce que je sais c'est que la production est toujours là pis ils jouent pis ya un public qui est là. Maintenant ce qui est clair c'est que tant et aussi longtemps que j'aurai pas mit les pieds dans la salle pour aller voir qu'est-ce que yont fait eux, je peux pas porter de jugement. La seule chose que j'aime pas c'est que ya certains journalistes qui sont allés couvrir l'évènement et qui reviennent pis qui disent que yont dit que c'était la première fois qu'ils voyaient une trouppe avec enfin de l'émotions parce que c'était des vrai chanteurs, pardon, des vrai gens formés pour ce métier, chanteur, danseurs. Nathalie Petrowski elle avait dit ça dans le journal, des chanteurs qui étaient pas... une trouppe qui était pas nescéssairement soumis aux caprices de ses vedettes, mais qui était, que c'était véritablement des artistes qui étaient formés à danser, jouer et chanter et moi je sais qu'à l'intérieur de la production ya des gens de l'équipe qui ont travaillé là-bas, ils m'ont dit comment ça se passait. C'est un peu insultant parfois pour nous, qui avont ammené le projet à un niveau internationnal, de voir que c'est comme si nous ce qu'on avait fait...
A : C'était endiletente, l'expression a été utilisée en disant «vous passez là pendant votre carrière».
BP : Voilà! ...et ça je trouve ça un peu, ben écoutes, c'est une vision elle a le droit. Tsé qu'est-ce que tu veux, le sjournalistes en font ce qu'ils veulent. Tsé à un moment donné... Moi tout ce que je sais c'est que nous on est partis de rien, on est partis de zéro. Yavait rien, ça existait pas. Même mon rôle moi, Pierre Gringoire, personne savait qu'il existait quasiment pas dans le roman, tout le monde savait qui avait un bossu, un curé, une Esméralda, une chèvre, qui est pas dans la troupe, qui est pas sur scène mais personne quasiment savait que Gringoire existait. Je veux dire quelque part on est parti de zéro, on a créé de quoi. J'pense qu'on a mit nos trippes sur la table, le coeur à l'ouvrage, on a emmené ça à un niveau d'émotion quand que tu peux pas toucher autant de millions de personnes pis que finalement que y'ait rien en dessous qui soutende tout ça pis là...
A : Alors vous aimez pas la comparaison...
BP : Bah, j'ai pas trop aimé ça mais c'est correct ça fait parti de la game, les critiques y sont là pour ça mais moi ma critique envers le show de Las Végas je t'en fait pas parce que j'ai pas vu le show fake j'embarquerai pas dans ce jeu là ça ça serait me trahir moi-même sur mes propres principes.
A : Vous avez pas envie de le voir?
BP : Si je vais en vacances au Colorado, ouais, je passerai par là, j'irai le voir. Non Las Végas comme tel c'est pas une ville qui me branche.
A : Donc ça vous intéresse pas plus que ça.
BP : Non pas vraiment.
A : On va s'arrêter pour une courte pause et au retourd de la pause, on va parler un peu de la difficulté peut-être de vivre, à la fois à l'étranger et de faire des retours au Québec. Bougez pas, on revient dans un instant.
[Pause Pub]

Partie II

A : Alors évidemment le travail, Bruno Pelletier, fait que vous faites la navette Paris-Montréal assez régulièrement. Vous êtes quelqu'un aussi qui avez des opinions, qui avez une conscience sociale, qui s'informe sur ce qui se passe. Quand vous regardez, vous, le Québec d'aujourd'hui, quel constat vous faites?
BP : Ben on fait parti des pays riches, pis ya tellement d'inéquités sociales encore que je vois... Je suis un peu déçu idéologiquement aussi, souvent.
A : De quoi?
BP : Ben c'est parce qu'on croit dans des choses, tu parlais d'opinion, on a des opinions, c'est difficile, j'ai envie de mettre sur la table quelque chose, c'est que c'est difficile pour loes artistes de plus en plus d'essayer de prendre position parfois parfois parce que on nous récupère. On nous récupère souvent comme porte étandards. En politique c'est fréquent, en politique, quand les artistes émèttent une opinion on les prend vite comme porte-drapeaux mais on les relaisse vite tomber après quand c'est, quand vient le temps de passer à l'action, d'aider la communauté artistique.
A : Comme par exemple sur la souveraineté du Québec vous avez une opinion.
BP : Oui, moi j'ai une opinion. Sauf que quand est venu le temps du référendum, ya ben des artistes qui se sauvent pis qui ont peur de parler et je les comprend. Moi, un moment donné, j'étais avec un animateur de radio, à Québec, qui posait la question à tous les artistes qui avait à chaque matin... personne répondait, tout le monde tournait en rond... pis moi j'avais répondu et yavait...
A : Vous aviez répondu quoi?
BP : J'avais répondu oui...
A : Mais à quoi?
BP : ... à la souveraineté... et y'avait été surpris que je réponde. Et je peux comprendre que les artistes ont peur de s'impliquer parce qu'en bout de ligne, idéologiquement, on a une opinion, on a une envie, on a... moi, qui voyage plus maintenant, vous l'avez dit, je comprend de mieux en mieux qui on est, pourquoi on se bat, qu'est-ce qu'on défend, tout ça... et j'y crois fermement. C'est les paramètres avec quoi on joue... que... je trouve ça difficile... de voir les gens qui sont en place. Des fois y faut donner toute notre confiance et c'est...
A : Vous êtes déçu de notre gouvernement, du gouvernement actuel?
BP : Ben oui, ça c'est clair, chu pas à mots cachés, je trouve ça difficile de voir comment... Moi je viens d'une génération où au cégep déjà on commencait à nous appeler «No Futur», j'ai 37 ans donc on recule de ya 20 ans, et j'ai pas l'impression qu'aujourd'hui les jeunes croient beaucoup plus dans leur avenir par rapport à ce que les gens en politique nous reflètent, nous envoient. Donc... dernièrement ce qu'on vient de voir dans la santé pis tout ça, ce qui s'est passé, on se rend vite compte que derrière un discour qui va être démagogique pour essayer d'appaiser la population... c'est difficile après ça d'aller rechercher la confiance des gens pis de leur proposer quelque chose dans le quel y vont déjà croire. Tsé moi j'ai...
A : Vous avez perdu confiance, si je comprend ce que vous...
BP : Pas en tout le monde, pas dans tout l'État Major, ya certaines personnes que j'aime beaucoup...
A : Y parait que vous avez déjà confronté un ministre qui encensait la culture et qui disait à quel point c'est important la culture.
BP : Ben confronté, faut s'entendre, j'ai rencontré un ministre qui me demandait comment je trouvait le programme de subventions pis j'ai dit «Ben quand vous m'en donnerez je pourrai vous en parler» parce que j'avais presque rien eu...
A : Un ministre du Québec?
BP : Ouais, pis moi j'existe en tant qu'artiste parce que j'ai eu beaucoup de subventions du fédéral pis pourtant chu un gars qui a toujours eu une opinion assez... quand même chu assez Québécois dans l'âme. Pis j'ai jamais pu, sauf cette fois là, en faire part vraiment, j'étais un petit peu déçu. C'est comme le maudit débat sur la fête du Canada pis la fête du Québec, là aussi on prend les artistes en porte étendards pis ya eu une époque où un moment donnée si un artiste québécois chantait à la fête du Canada on le traitait de traitre mais c'est ridicule. Les impôts qu'on paye s'en vont là pis ya une partie de t'ça qui sert à faire des fêtes pour des gens qui vont être au Québec. Pourquoi absolument donner cet argent là à quelqu'un de fédéraliste ou d'anglophone parce qu'aucun Québécois va vouloir aller recherche une partie de ses impôts pour faire un show pour les gens du Qc? Un moment donné moi... tant et aussi longtemps qu'on me demande pas de...
A : De quoi?
BP : De chanter quelque chose que j'ai pas envie de chanter ou bendonc de me promener avec un drapeau justement... Moi chu pas un mercernaire non plus de la musique mais je... tsé quand je vais au festival de la patate, à St-Glinglin, y me demandent pas si j'aime les patates. Moi je chante pis ça fini là...
A : Juste une question, c'est quel ministre, avec qui vous avez eu cette discution sur les subventions?
BP : Non j'aime mieux pas en parler...
A : Qu'est-ce qui vous a répondu?
BP : Ben était surprise.
A : Donc c'est une femme! Elle était étonnée de ça, de voir cette réaction là.
BP : J'avais discuté avec la personne pis j'avais dit qu'un moment donné j'aimerais bien... moi je pense qu'éventuellement, avec le genre de carrière que je fais, pis moi je produitaussi, je co-produit pis je veux m'en aller de plus en plus là-dedans. J'aimerais ça, plus tard, dans une couple d'années peut-être, m'investir un peu plus au niveau des programmes pis de l'aide, la relève pis tout ça. Comment on peut peut-être essayer d'aider un peu...
A : Parlons-en de l'argent un peu. Notre-Dame de Paris ça donne un coup de pouce sur le plan financier. Quel est le rapport que vous avez avec l'argent? Est-ce que ça vous a changé?
BP : Ben moi je pense pas. Ça, y faut peut-être plus demander au monde autour de moi mais je pense pas. La seule chose que je trouve bénéfique, si on peut dire, c'est que, parce que ya plein de côtés ben plate à ça aussi mais ce qui est bien c'est un petit peu plus d'indépendance artistique. Justement être un peu moins... tsé quand on est toujours à la remorque d'un producteur ou d'une subvention ou de quelque chose c'est difficile de bâtir une carrière, d'aller au bout de ses idées, de sa folie artistique ou bon... En même temps, tout peuple en bas de 20 millions de personnes a besoin de subventionner ses artistes et de les aider...
A : Mais est-ce que les gens autour de vous changent, maintenant. Avez-vous sentit qu'il y avait un changement autour de vous à cause de ça?
BP : Ben oui, ya des gens qui changent, le regard sur nous change. Moi combien de fois le monde regarde avec quelle auto je me ballade juste parce que je suis Bruno Pelletier pis je trouve ça ridicule parce que ya tellement de monde qui ont des Mercedes pis qui sont endettés par dessus la tête alors que si t'es capable de t'en payer une mais c'est pas de ça dont tu as besoin que t'as besoin juste d'un petit Honda CAV c'est correct aussi. C'est ma façon de penser qui... moi j'aime mieux prende mes argents pis l'investir sur mes productions, ma mise en scène, mes trucs comme ça où je m'éclate pis j'ai l'impression que je vais faire quelque chose que j'ai vraiment envie de faire pis chu pas obligé de demander à quelqu'un la permission. Mais pour le reste, pour mon mode de vie, j'essaie de pas être trop éclatant, parce que je trouve qu'il faut avoir, on parlait de délicatesse tout à l'heure, y faut n'avoir aussi envers les autres autour de nous.
A : On s'arrête pour la pause et au retour de la pause, bien sûr, notre série de question en raffale.
[Pause Pub]